2. Quelles sources
d’énergie pour les véhicules électriques ?
Nous allons étudier ici plus particulièrement les
différents types de batteries utilisés dans les véhicules
électriques, les piles à combustible faisant l’objet de
l’article [D 5 570]
dans le présent traité.
Quelle que soit la source électrochimique, les
types de réactions aux électrodes sont identiques, à savoir
une réduction électrochimique à la cathode (électrode positive
en décharge et négative en charge pour les batteries) et une
oxydation à l’anode (électrode négative en décharge et
positive en charge pour les batteries) comme le montre la
figure 1.
2.1 Batteries
Les différents types de batteries [2]
[3]
ayant équipé des véhicules électriques prototypes ou de série
au cours des dernières décennies sont regroupés dans le
tableau 2.
Ces batteries sont caractérisées principalement par leur
énergie (massique ou volumique), leur puissance, leur durée de
vie et leur coût.
Le dimensionnement d’une batterie pour véhicule
électrique devra permettre de répondre à un certain nombre
d’exigences : d’une part, un niveau de performance
respectable en termes de vitesse (sur route plate ou en montée
à différents pourcentages) et d’accélération et, d’autre part,
une autonomie permettant un rayon d’action suffisant tout en
conservant au véhicule une habitabilité satisfaisante. Au
point de vue de la consommation énergétique d’un véhicule
particulier, on compte généralement 120 Wh/km/t, soit,
pour un véhicule d’une tonne et demie, 18 kWh
d’électricité embarquée pour une autonomie de 100 km, ce
qui représente, en fonction de la technologie de batterie
choisie, une masse et un volume de batteries embarquées
respectivement de 150 à 500 kg et de 100 à
250 L.
Les réactions aux électrodes des différentes
batteries en décharge sont rassemblées dans le tableau 3
(électrode positive) et le tableau 4
(électrode négative).
Les batteries au
plomb correspondent au système le plus étudié ; en
effet, elles équipent, sous forme de batterie auxiliaire
« 12 volts », les véhicules thermiques depuis plus
d’un siècle et ont fait bénéficier les batteries de traction
de leur évolution. Elles restent le système le moins cher
produit industriellement avec une des meilleures durées de
vie. Leur principal inconvénient est leur faible énergie
massique. Cela s’est illustré avec la commercialisation de
l’ EV1 par General Motors qui a développé une voiture de
forte puissance et de faible autonomie équipée de cette
technologie. Ford et Chevrolet ont également commercialisé en
1998 des Pick-up de forte puissance et de relativement
faible autonomie équipés de cette technologie de batterie,
respectivement le Ford Ranger EV et le Chevrolet S10
Electric.
Les batteries
nickel-cadmium ont été choisies par les constructeurs
automobiles français (PSA et Renault) pour équiper leurs
véhicules commercialisés depuis fin 1995. Elles ont profité
d’un développement conjoint entre ces constructeurs et SAFT,
et présentent désormais des performances en puissance, énergie
et durée de vie surpassant la technologie au plomb. Néanmoins,
leur coût reste prohibitif pour une commercialisation de
masse, et la toxicité du cadmium interdit son utilisation dans
des pays tels que les États-Unis où cet élément semble banni.
Les batteries
nickel-hydrure de métal ont longtemps figuré comme les
remplaçantes idéales des deux systèmes précédents. Elles
possèdent des performances massiques et volumiques très
supérieures aux technologies à base de plomb ou de cadmium et
ont profité du développement de l’électrode à base de nickel
utilisée dans le système précédent (Ni/Cd) ou pour les
batteries Ni-hydrogène développées pour les applications
spatiales. Leurs seuls problèmes actuels semblent être leur
durée de vie encore faible pour une batterie de traction (à
forte profondeur de décharge) et leur mauvaise tenue à la
température élevée (spécialement en fin de charge). Cette
technologie de batterie semble cependant avoir été adoptée par
la plupart des constructeurs automobiles comme batterie de
puissance. Elle fonctionne alors à faible profondeur de
décharge, ce qui augmente considérablement sa durée de vie
(nombre de cycles charge/décharge). Ce type de batterie, dans
sa version traction, a équipé principalement les véhicules des
constructeurs japonais commercialisé en 1998 : le RAV4
EV de Toyota, l’ EV Plus de Honda et le
Prairie de Nissan. Enfin des batteries de puissance de
cette technologie équipent la Toyota Prius, le seul
véhicule hybride thermique/électrique produit en masse à ce
jour (entre son introduction en 1998 et mars 2002,
103 000 véhicules ont été vendus).
Les batteries
sodium-chlorure de nickel, principalement produites par la
société allemande Zebra, sont des batteries
« chaudes » fonctionnant à une température comprise
entre 270 et 350 °C. Si elles possèdent des performances
intrinsèques et un coût comparables à ceux des batteries
nickel-hydrure de métal, la gestion thermique du système et
l’isolation représentent un lourd handicap lorsque l’on
considère le système dans son ensemble ainsi que son
intégration.
Les batteries
zinc-air ont longtemps été considérées comme très
prometteuses par les constructeurs automobiles, en particulier
pour la facilité potentielle de leur recharge. En effet, deux
types de recharges sont envisagés : mécanique, avec un
remplacement physique du zinc, et électrique, avec une
régénération électrochimique du zincate en zinc. En fait,
aucun de ces deux types de recharges ne fonctionne réellement,
la version mécanique pour des problèmes d’étanchéité et de
régénération des cartouches de zinc, et la version électrique
pour des raisons d’équilibre de matière. En effet, si une
réaction a lieu à l’électrode négative (Zn), une autre
réaction doit prendre place à l’électrode à air. La seule
réaction possible dans ce système met en jeu la décomposition
de l’eau de l’électrolyte, affectant les performances du
système ou le complexifiant par l’addition d’une réserve.
Les batteries
lithium-ion demeurent l’espoir principal du véhicule
électrique pur. En effet, seul ce système pourrait, dans
l’état actuel des connaissances, permettre d’augmenter
considérablement l’autonomie des véhicules électriques purs
grâce à ses performances massiques et volumiques de capacité
énergétique. Ce système présente la tension élémentaire la
plus élevée (4 volt/élément, à comparer à 2 V,
1 V et 1,2 V pour respectivement les technologies
plomb, Ni/Cd et Ni/MH x). Cette haute tension
élémentaire reflète la très haute réactivité du couple
électrochimique mis en jeu et illustre un des inconvénients
majeurs de cette technologie : la sécurité. En effet, un
système élaboré de sécurité doit être associé à ce type de
pile pour éviter tout dépôt de Li métal, lors de la recharge
en particulier. Ce système doit gérer chaque élément
séparément pour éviter tout déséquilibre de charge et établir
un compromis idéal entre capacité résiduelle et sécurité. Ces
systèmes de gestion, le plus souvent électroniques, tendent à
augmenter considérablement le coût de la technologie. L’autre
paramètre critique des batteries lithium-ion réside dans le
compromis coût/durée de vie. En effet, pour obtenir des durées
de vie raisonnables pour l’application véhicule électrique pur
(supérieures à mille cycles), il faut ajouter à l’électrode
positive des additifs augmentant dramatiquement le coût de la
batterie. Des véhicules ont cependant déjà été produits, avec,
en particulier, l’ Altra EV de Nissan en 1998.
2.2 Autres sources d’énergie
Parmi les sources d’énergie électrique actuelles,
autres que les batteries et les piles à combustible, seuls les
supercondensateurs [8]
semblent présenter une maturité suffisante pour être intégrés
à un véhicule électrique. Les supercondensateurs sont des
systèmes électrochimiques de stockage d’énergie électrique
dont les caractéristiques sont situées entre celles des
condensateurs électriques et celles des accumulateurs
électrochimiques. Leurs spécificités sont une grande
cyclabilité et une densité de puissance élevée. Comme les
batteries ou les piles à combustible, ils contiennent deux
électrodes et un électrolyte ionique. Contrairement aux
batteries, il n’y a pas de réactions électrochimiques aux
électrodes mais un stockage de charges aux interfaces
électrode/électrolyte ou une intercalation d’ions dans la
structure de l’électrode sans qu’il y ait de réaction
chimique. La charge dans l’électrode représente, dans la
plupart des cas, un excès ou un défaut d’électrons. La charge
en solution est constituée par un excès de cations ou d’anions
au voisinage de la surface de l’électrode (figure 2).
Les caractéristiques principales sont résumées et
comparées à des systèmes voisins dans le tableau 5.
Des travaux sont en cours sur les matériaux
d’électrodes et d’électrolyte pour diminuer les coûts,
augmenter la densité d’énergie tout en conservant la
cyclabilité (durée de vie). De tels systèmes pourraient alors
écrêter des pics de puissance de plusieurs minutes sur des
véhicules électriques à batteries ou à pile à combustible,
permettant de dimensionner au mieux ces sources
d’énergie.
© Techniques de l’Ingénieur, traité
Génie électrique, D 5
565
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