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Gérard FORTUNATO

Directeur du département de physique 1966-1982 / 1985-1997


Gérard FORTUNATO est né le 29 Août 1939 à Constantine ; il rentre à Cachan, en octobre 1960, après avoir préparé " les concours " au Lycée Bugeaud d'Alger.

A sa sortie de l'ENSET , la guerre d'Algérie est finie, il pourra donc bénéficier d'une position " sous les drapeaux " (terme officiel) pacifique, affecté comme scientifique du contingent à l'Institut d'Optique, encore situé à Paris, boulevard Pasteur. Quand l'IOTA sera transféré à Orsay, à la fin de l'année 1966, Gérard Fortunato est déjà retourné à Cachan comme Chef des travaux pratiques, depuis le 28 février 1966.

La naissance de sa fille Sylvie, le 5 février, lui a offert une réduction de trois semaines de son service militaire ! Deux ans après, il aura la plaisir de voir naître Marc.

Ce passage à l'Institut d'Optique a déterminé sa carrière scientifique; il restera très attaché à cette institution dont il sera Ingénieur-Conseil jusqu'en novembre 1982. Au cours des années 1964-1966, il travaille sur le filtrage optique des fréquences spatiales avec Madeleine Marquet et André Maréchal. Dans le rapport d'activité, écrit en 1967 par Pierre Fleury, alors Directeur de l'Institut d'Optique, on relève deux contributions de Gérard FORTUNATO, l'une sur les caractéristiques des émissions photographiques et l'autre sur l'holographie :

" Les calculs de G. Fortunato ont montré qu'un hologramme constitue un filtre à gain variable avec la source de reconstitution, d'où la possibilité de filtrage par holographie pure. "

C'est, en effet, la période des premiers hologrammes et ce travail se traduit par une publication dans les Comptes Rendus de l'Académie des Sciences (C.R.Ac.Sc.) en 1965.

Le 1er octobre 1966, Gérard FORTUNATO est nommé Agrégé-répétiteur et l'année suivante Maître-Assistant; c'est le début de sa carrière universitaire et de son engagement à la tête du département de physique de l'ENSET.

C'est au cours de l'année scolaire 1966-1967 que ma promotion va faire la connaissance de Gérard FORTUNATO. Rentrés à Cachan en octobre 1964, nous sommes donc en troisième année, en train de préparer la partie pratique du CAPET de physique (la partie théorique ayant été obtenue à la fin de la deuxième année) en même temps que le DEA. Nous préparions des montages de physique et Gérard FORTUNATO nous les corrigeait. Sa passion pour l'optique était transparente. Notre promotion s'était distinguée, dès le début de la deuxième année, par un changement de scolarité, obtenu lors d'une entrevue avec le Directeur de l'époque, René Basquin. En effet, sept d'entre nous souhaitaient préparer l'agrégation de physique et non celle de physique appliquée qui était préconisée par la Direction et nous voulions, dès la deuxième année, avoir une scolarité en conséquence. Bref, nous ne voulions pas travailler sur des " moteurs ", ce qui fut donc obtenu ! Et c'est pour notre promotion que Gérard FORTUNATO a " monté " la première préparation structurée à l'agrégation de physique qui n'existait jusque là que de façon embryonnaire. Cette préparation, mise en place pour la rentrée 1967, peut faire sourire si on la compare à ce qu'elle est devenue plus de trente ans après; mais elle a été efficace et nous avons tous été admissibles et, à un près malheureusement, tous admis.
Avec les années, les promotions d'élèves vont grossir, le département de physique aussi ; la préparation à l'agrégation va de plus en plus se structurer, s'enrichir, tout en restant un lieu de vie " humain " et de respect mutuel. Les résultats au concours seront toujours présents au rendez vous de la fin juillet, satisfaisants par leur nombre et leur qualité.

Les activités pédagogiques de Gérard FORTUNATO vont très vite se focaliser sur l'optique : cours, problèmes d'agrégation, correction de montages. A partir de 1980, il sera chargé de l'enseignement de la spectrométrie instrumentale au DEA d'optique et photonique de Paris XI et à l'Ecole Supérieure d'Optique.
A l'agrégation, son cours d'optique physique traite de cohérence, de diffraction et de filtrage en lumière cohérente et incohérente, d'optique dans les milieux anisotropes, de spectroscopie instrumentale, de traitement du signal. A partir de ce cours d'optique et des problèmes de la cohérence, du speckle et du bruit dans la photodétection, il sensibilisera ses élèves à des notions fondamentales de la physique statistique. Les 27 promotions d'agrégatifs pour qui ce cours était fait se rappellent toutes, avec émotion, de ses qualités pédagogiques, de son savoir-faire communicatif qui excellait dans les expériences de cours qu'il montait, véritable magicien des couleurs. Si Gérard FORTUNATO était un expérimentateur hors pair, il ne concevait pas une expérience, même de cours, sans en maîtriser la base théorique et sans analyser de façon très critique les résultats qu'il obtenait. C'est ainsi que, pour répondre à la question d'un élève sur la cohérence spatiale, il sera amené à définir 3 classes d'interféromètres; cette classification sera publiée dans les C.R.Ac.Sc. en 1972, en collaboration avec André Maréchal. Ce lien fondamental entre théorie et expérience a été déterminant pour beaucoup d'élèves dans leur pratique ultérieure de physicien. Sa maîtrise de l'optique apparaîtra aussi avec brio dans les différentes conférences qu'il sera amené à donner, aussi bien dans le cadre de l'UdP que pour des stages de formation de professeurs. Il souhaitait profiter de sa retraite pour écrire son cours, mais son état de santé ne le lui aura malheureusement pas permis. Il avait écrit tous les articles d'optique physique de la grande encyclopédie Larousse de 1980.

En 1980 la Société d'Encouragement à l'Industrie Nationale lui décerne une médaille de vermeil et en 1985, il obtient le prix de l'Académie des Sciences. Ces distinctions consacrent un travail fructueux de recherches appliquées, commencé au lendemain de sa thèse de doctorat d'état.
Sa thèse, qu'il débuta en 1969 sous la direction d'André Maréchal, a été préparée à Cachan dans les locaux du département de physique. Son travail de thèse a consisté à mettre en œuvre un nouveau type de spectromètre interférentiel à modulation sélective permettant l'enregistrement direct d'un spectre avec une très grande luminosité et une bonne résolution; il s'inscrit dans la lignée du travail de Pierre Connes et André Girard. En utilisant les propriétés de la transformation de Fourier, il réalise des opérations telles que les corrélations de spectres ou de dérivées de spectres, techniques particulièrement intéressantes pour les processus d'analyse. Il va donc développer différents montages en vue d'applications pratiques, en particulier des spectromètres à double faisceau, dérivateur, corrélateur de spectres ou de dérivées de spectres. Il soutient sa thèse le 25 juin 1976 à Orsay et il sera particulièrement fier de son mémoire de thèse entièrement calligraphié à la main par son beau-père, ancien instituteur.
Ses travaux de recherche vont donner lieu à de nombreux brevets et à des contrats avec la DGRST (1973-75), le Ministère de l'Environnement (à partir de 1975), Elf-Aquitaine (à partir de 1979), la Société SERES (à partir de 1983), Renaut Véhicules Automobiles (1989-90), l'Ecole des Mines de Paris (1990). En effet, il a très vite compris l'intérêt de ses montages interférométriques pour la détection des polluants atmosphériques à très faible concentration et la première " retombée " de caractère industriel est la construction d'un prototype de détecteur du dioxyde de soufre, rapide et sensible, qui sera utilisé par la Société Elf-Aquitaine à Lacq, à la sortie de la chaîne de désulfuration du gaz.

Dans le cadre de ses activités avec la Société ELF Aquitaine, il va être détaché durant trois années, à partir de la rentrée 82, sur le site de Solaize, pour y assurer les fonctions d'ingénieur de recherches à la Direction de la recherche, du développement et de l'innovation. Il va participer à la réalisation de deux analyseurs ; l'un pour étudier la température d'apparition du point de trouble lors de la cristallisation des paraffines, l'autre pour déterminer la floculation des produits contenus dans les fiouls.

Peu de temps après son retour à Cachan, il est nommé Professeur et il assumera la fonction de Directeur de la Recherche, au cours de l'année 1988-89. L'ENSET a fait place à l'Ecole Normale Supérieure de Cachan et dans le même temps, les laboratoires de recherches se sont développés notamment avec la création du LESIR avec lequel il va collaborer.
Il vient de créer le LASO (Laboratoire d'Analyse par Spectrométrie Optique) avec un double objectif, d'innovation dans les techniques d'analyse optique et de développement jusqu'au produit industriel. Son équipe de recherches comprend en moyenne 4 personnes, dont André Galais recruté en 1985 comme de maître de conférences et Roger Brignolat, ingénieur, en poste depuis les débuts. Il accueille beaucoup de stagiaires et 8 thèses seront effectuées sous sa direction. Ses recherches portent sur l'amélioration des premiers montages et les études sont réalisées en collaboration avec le milieu industriel. Pendant 15 ans, interface entre demandeur d'analyse (RENAULT, Ecole des Mines, ADEME, KREBS) et constructeur d'analyseur (SERES, SICK, COSMA), le laboratoire donnera naissance à des appareils chargés de mesurer de nombreux gaz: NO, NO2, SO2 dans les cheminées, NH3 dans les circuits réfrigérants, des analyseurs mesurant la consommation instantanée d'huile dans les moteurs automobiles, C6H6 à l'échappement des véhicules, HCl/Cl2 pour l'analyse de process… Toute ces réalisations ont en commun d'exploiter au mieux les possibilités offertes par la spectrométrie de corrélation interférentielle utilisant des lames biréfringentes. Il était très heureux de nous dire que les victoires de Renault en F1 lui étaient, quelque peu, redevables puisque son analyseur avait permis de tester les usures d'huile durant les régimes transitoires des moteurs essence, diesel et sport. A sa demande, je ferai des calculs sur SO3 où les données bibliographiques étaient rares et la collaboration avec Gérard sera un vrai plaisir.
L'année 1990 verra la sortie de la première série d'analyseurs de polluants par la société allemande SICK pour la mesure simultanée de NH3, NO et SO2. En effet, les premiers brevets déposés en France ont été suivis par des brevets déposés en Allemagne, aux Etats-Unis et au Japon. En 1998, soit un an après son départ de l'Ecole, le brevet initial qu'il avait pris en 1972 tombait dans le domaine public et sera exploité par une société canadienne qui réalisera un analyseur de pollution multigaz. Les dernières années, il s'était aussi engagé dans une autre voie, celle de " l'imagerie " de pollution avec une première étude pour la surveillance des sites industriels.
Toutes ces études pratiques montrent que Gérard FORTUNATO était un défricheur tenace pour concrétiser ses idées. C'était un précurseur de la politique de recherche orientée vers les " Sciences Pratiques " que Bernard Decomps souhaitera développer sur le campus de Cachan à partir de 1994.


Mais ces dernières années, Gérard FORTUNATO était fatigué: il avait été victime d'un infarctus en 1985, il souffrait de plus en plus d'insuffisance cardiaque; il n'avait pas pris au sérieux les différentes angines de poitrine qu'il avait faites et…il ne s'était pas arrêté de fumer ! Le 29 mai 1997 au soir, il quitte le département de physique pour rentrer à Lyon où il résidait depuis 1982, comme chaque semaine…….il ne reviendra qu'un an après, très affaibli, pour le pôt de retraite que nous lui avons offert.
Il vient de faire une nouvelle angine de poitrine et son médecin le met en congé de longue maladie. Il subit un triple pontage des artères coronariennes le 11 décembre 1997, la date ayant été reportée plusieurs fois à cause de son mauvais état de santé. Son cœur est usé, il va souffrir de toutes sortes de problèmes, partageant son temps entre l'hôpital cardiologique et les centres de cure médicalisés. Il s'est éteint le 17 mars.

Outre ses qualités pédagogiques et scientifiques, il nous laisse le souvenir d'un homme bon, généreux, privilégiant la qualité des relations humaines, aussi bien avec ses collègues qu'avec ses élèves. Il savait écouter, avec tact et compréhension, sans s'imposer.

En s'associant à leur chagrin, nous souhaitons dire à Denise, sa femme, et à ses enfants qu' un ami est parti.


Mireille Tadjeddine
Promotion 64-68
Directrice du département de physique
de l'ENS de Cachan,
de 1982 à 1985, et depuis 1997

 

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